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> La synthèse sonore du projet "11 mars 2011 : gérer l'urgence médiatique"

> Un article universitaire : "Quotidiens nationaux japonais, une singularité à l’épreuve des crises ?"

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11 mars 2011 : gérer l'urgence médiatique

« 11 MARS 2011, GERER L'URGENCE MEDIATIQUE » est un projet réalisé au Japon, un peu plus d'un an après la triple catastrophe du Tohoku. Il s'agissait d'une analyse sur la façon dont l’information a été traitée pendant et après les événements par divers médias.
 

Vous pouvez écouter la synthèse sonores avec les différents intervenants ci-dessous, réalisée en 2012.

Un reportage photographique dans les zones sinistrées avait également été réalisé à l'occasion.

Quotidiens nationaux japonais, une singularité à l’épreuve des crises ?

Attentions, mes recherches ont été effectuées en 2010 et certaines données peuvent avoir changé depuis.

Avec une circulation, selon Nihon Shimbun Kyokai (NSK) (1), qui s’élevait à 46 563 681 copies concernant la presse d’information générale pour un peu plus de 52 millions de foyers en 2008 (2), qui oserait encore douter du fait que les Japonais sont d’importants consommateurs de journaux ? Affichant, toujours d’après NSK, l’un des taux de diffusion les plus élevés au monde (528 copies pour 1 000 personnes l’an dernier), les quotidiens en particulier semblent ne pas connaître la crise, dans un pays où la création du support a pourtant été tardive.

A regarder les chiffres de près, l’évidence peut en effet difficilement être passée sous silence. Les titres les plus vendus du globe ne sont pas américains : ils sont japonais. Des quotidiens comme le Yomiuri ou l’Asahi Shimbun, qui diffusent respectivement, selon World Association of Newspapers (WAN), à 14 et 12 millions d’exemplaires, auraient presque de quoi faire passer les plus grandes publications de l’Oncle Sam – New York Times, Los Angeles Times, USA Today et autres – pour des journaux au lectorat infinitésimal. Certes, les quotidiens américains sont essentiellement locaux, ou régionaux dans le meilleur des cas. Mais, même en prenant en compte cet argument, il conviendrait alors d’ajouter que la presse régionale et locale japonaise est elle aussi en pleine forme, et que nombre de ses titres surpassent de loin en terme de diffusion leurs équivalents édités de l’autre côté du Pacifique. Comment expliquer, dans ce cas, la réussite des quotidiens nationaux nippons ? Le taux d’alphabétisation, à quelques dixièmes près, est le même dans ce pays, aux Etats-Unis et en Europe occidentale.

Le poids de l’histoire

Deux considérations très simples peuvent pourtant nous permettre d’y voir un peu plus clair. La première nous fait revenir quelques décennies en arrière dans l’histoire de la presse japonaise ou, pour être plus précis, nous amène à revivre l’année 1923. A l’exception du Sankei Shimbun, fondé en 1933, tous les journaux faisant aujourd’hui partie de la famille des quotidiens nationaux japonais sont nés dans le courant des années 1870, alors que l’archipel effectuait, suite à la révolution Meiji de 1869, ses premiers pas vers un régime démocratique et industriel de type occidental. Cette seconde génération de journaux se donnait notamment pour objectif d’être plus accessible que la précédente, apparue peu de temps auparavant et plutôt réservée à une certaine élite masculine composée en grande partie d’anciens samurai. Il s’agissait là des premiers titres réellement populaires, introduisant entre autres des informations de proximité et l’usage des hiragana, ces caractères japonais simplifiés lisibles de tous.

Pourquoi 1923 fut-elle si cruciale dans le destin de ces journaux ? Nul n’ignore que le Japon est fréquemment exposé aux catastrophes naturelles… Or, c’est le premier septembre de cette année qu’eut lieu le tremblement de terre meurtrier du Kanto, destructeur pour toutes les publications localisées à Tokyo. Deux journaux, l’Asahi et le Mainichi, qui avaient par chance leur siège à Osaka, purent alors s’étendre jusqu’à devenir nationaux, tout comme le Yomiuri, basé dans la capitale mais ayant mieux résisté au drame que ses concurrents, put se développer vers l’est. L’année suivante, l’Asahi et le Mainichi dépassaient pour la première fois le million d’exemplaires.

Encore aujourd’hui, c’est sans doute parce qu’il y a relativement peu de titres disponibles au Japon que leur lectorat s’en retrouve grandi. WAN dénombre à peine une centaine de quotidiens payants au Japon, pour plus de 1 400 aux Etats-Unis. Cela ne signifie pas pour autant une faible concentration de la presse du côté américain : en additionnant par exemple le lectorat des différentes publications du groupe New York Times Company – New York Times, Boston Globe, quotidiens régionaux, etc – nous atteindrions probablement un chiffre conséquent. Mais il est vrai, de toute manière, que les Japonais se sont toujours montrés très intéressés par l’actualité nationale, celle-ci restant plutôt bien couverte au sein même des quotidiens régionaux et locaux. Commodité indéniable pour le journaliste et facteur amplifiant sans aucun doute l’intérêt du lecteur, l’archipel est d’une superficie bien moindre à celle des Etats-Unis… En outre, quand l’un met encore aujourd’hui fièrement en avant son hétérogénéité et les bienfaits d’une organisation politique fédérale, l’autre semble avoir définitivement tourné le dos à cette idée depuis la révolution Meiji, l’associant en partie à l’archaïsme et aux dysfonctionnements auxquels cette dernière mit fin.

Des journaux qui font partie du quotidien

Le second élément pouvant expliquer la pénétration importante de la presse quotidienne nationale au Japon est d’ordre plus culturel. En comparaison avec le modèle français, il y a de quoi être surpris lorsque l’on découvre le taux de livraison à domicile des journaux japonais : en 2008, d’après NSK, cette option représentait en effet presque 95 % de la distribution. La vente au numéro est très faible, réduisant par conséquent les coûts supplémentaires liés aux invendus et l’incertitude quant aux ventes qui gêne tant les quotidiens hexagonaux lorsqu’il s’agit de faire des conjectures à long terme, que ce soit dans une perspective éditoriale ou publicitaire. La plupart des journaux japonais possédant deux éditions journalières, les quelque 20 000 livreurs sillonnant le pays (de plus en plus des femmes à temps partiel) sont bien souvent occupés, d’autant que ces derniers sont également en charge de certaines tâches administratives telles que la collecte des frais d’abonnement.

Outre l’avantage de fidéliser le lecteur à un quotidien, la prédominance de la livraison à domicile a un tout autre atout pour les éditeurs : si elle permet en effet à un foyer entier de profiter du titre, elle habitue aussi surtout les plus jeunes à la présence d’un journal dans leur vie quotidienne, intégrant pendant leur socialisation un contact régulier avec ce média qui n’existerait pas dans d’autres cas. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si NSK a lancé en 1989 l’action « Newspaper in Education program » (NIE), aujourd’hui sous la responsabilité de Japan Newspaper Foundation for Education and Culture (JNFEC), visant à rendre plus courante l’utilisation des journaux en tant que supports éducatifs dans les écoles. Un véritable investissement pour les éditeurs, qui espèrent ainsi fidéliser un nouveau lectorat tout en ayant l’opportunité d’en apprendre davantage sur l’évolution des préférences et des pratiques de lecture.

Succès inaltérable ?

Peut-on en déduire, pour autant, une efficacité sans faille du modèle de la presse quotidienne nationale japonaise ? En dépit des efforts mentionnés plus haut, celle-ci fait face aux mêmes tendances que celles subies par les titres occidentaux : le revenu des journaux nippons a chuté de plus de 230 milliards de yen depuis 2002, pour s’établir aujourd’hui à 2 140 milliards de yen, soit environ 15, 735 milliards d’euros (NSK). Comme partout, la diffusion s’effrite, puisque les journaux d’information générale sont distribués à environ 725 000 exemplaires de moins qu’il y a dix ans. 725 000, c’est pourtant très peu rapporté à une circulation totale se situant au delà de 46 millions de copies… Qu’est-ce qui explique alors cette baisse conséquente du chiffre d’affaire ?

Plus que les abonnements, ce sont surtout les revenus publicitaires qui ont fondu au cours de ces dernières années. Selon Dentsu Inc., première agence publicitaire japonaise publiant également de manière régulière un certain nombre d’études, les dépenses en publicité destinées aux journaux seraient passées de 1000 à 800 milliards de yen entre 2005 et 2008. Soit, en euros, de 7, 353 à 5, 882 milliards en l’espace de trois ans. La situation est telle qu’en 2008, les revenus publicitaires ne représentaient plus que 26,4% des recettes totales de ces journaux, pour 32,5% six ans auparavant, les obligeant ainsi à reposer davantage sur leurs ventes et sur d’autres sources de financement (3).

Au delà de l’éprouvante crise publicitaire que doivent affronter les quotidiens japonais depuis 2007, Internet est bien sûr également mis sur le banc des accusés. Si ce sont les journaux qui en souffrent le plus (-12,5% d’investissements en 2008), tous les médias traditionnels se retrouvent en réalité affectés par la prospérité de la publicité numérique : Dentsu Inc. notait en 2008 une baisse des dépenses publicitaires de 7,6% concernant les médias historiques, alors que celles liées à Internet augmentaient de leur côté de 16,3%. Et même si, comme le soulignions quelques lignes plus haut, les quotidiens nationaux restent prisés bien plus que tout autre média au Japon, c’est une réalité : les jeunes tendent progressivement à délaisser le support papier, à l’instar de ce qui se produit désormais dans tout pays développé (voir sondages en bas de page).

En dépit de ces inquiétudes certaines, il ne faudrait pourtant pas en conclure de manière péremptoire à une destinée funeste, tant la situation des quotidiens nationaux japonais est encore bien loin de celle qui peut actuellement être observée chez nous. Néanmoins, comme l’a écrit un fabuliste français du Grand Siècle, il est en général plus prudent de partir à point que de se risquer à courir… Un enseignement moral que semblent avoir en tête les entreprises de presse quotidienne nationale nippones, qui s’activent aujourd’hui, y compris en investissant dans des technologies porteuses au Japon telles que l’Internet mobile, à trouver des parades à ce déclin prématuré.

1) Aussi appelée “The Japan Newspaper Publishers and Editors Association” en anglais, cette organisation indépendante représente les intérêts de quelque 150 quotidiens, agences de presse et diffuseurs nippons. Pour en savoir plus : www.pressnet.or.jp .

2)  51 491 000 copies si on ajoute la circulation des journaux sportifs, seconde grande catégorie au Japon. A noter que lorsque cet article a été publié, les chiffres de l’année 2009 n’avaient pas encore été fournis par NSK.

3) La part du revenu lié aux ventes a ainsi augmenté, passant de 53,7% en 2002 à 57,5% en 2008, tandis que la dixaine de points de pourcentage restant relevait, selon Dentsu Inc., d’autres méthodes de financement.

LES MEDIAS JAPONAIS

L'’Ambassade de France au Japon fournit les liens pointant vers les cinq quotidiens nationaux nippons, les journaux régionaux,  ainsi que vers l'audiovisuel public et certaines agences de presse.

A noter qu’à l’heure actuelle, tous les quotidiens nationaux, à l’exception du Sankei Shimbun, possèdent un site Internet anglophone.

Le titre anglophone – mais néanmoins d’origine japonaise – The Japan Times n’est pas inclu.

LES JEUNES ET LA PRESSE : DES CHIFFRES PREOCCUPANTS

Le passage suivant est extrait de l’ouvrage Japan’s mass media (5ème édition), édité par Foreign Press Center, Japan (FPCJ) en 2004. Il fournit quelques données inquiétantes concernant les jeunes japonais et la lecture des journaux au début des années 2000.

"A 2003 survey by NSK revealed that 26,5% of people in their twenties, or about one in four, do not subscribe to a newspaper. (…) Similar findings emerged in June 2002 in the results of a survey conducted by the Cabinet Office. This was a poll of 3, 486 people aged 12-29 on the topic of the information society. Those who replied they « do not read newspapers at all » amounted to 22,3%, and the figure was 30,3% among women aged 18-22. Not only that, the average time spent reading newspapers was under 10 minutes per day in the case of some 65% of the respondents."

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